Femmes incarcérées et femmes gardes pénitentiaires

8 mars 2022

Photo de famille gardes de sécurité pénitentiaire à l'issue atelier sur traitement détenues. Crédit photo : PNUD/Burkina Faso

La connaissance de « SOI » comme réponse au dialogue de sourdes entre « Femmes-gardes pénitentiaires et femmes-détenues ?

Femmes incarcérées et femmes gardes pénitentiaires : milieu pénitentiaire !

Au Burkina Faso depuis la création de l’Administration Pénitentiaire (AP), c’est au moins 228 (16%) femmes contre 1187 hommes qui ont été recrutés pour l’exécution des missions du service public pénitentiaire. Avec plus de 7000 détenus dont 300 femmes soit plus de 4%, le Burkina Faso s’est organisé pour améliorer les conditions de détentions et assurer la réinsertion sociale des détenus. Pour mieux gérer les inégalités entre les hommes et les femmes au sein de l’AP, un service genre a été créé. D’une manière générale, le milieu carcéral est redouté non pas qu’il limite seulement la liberté de mouvoir mais surtout pour ses effets sur la vie sociale.  Devenir un détenu-e est vu par la société comme une déviance de « conduite contraire aux lois identifiées par autrui et souvent sanctionnée ». L’AP a alors le rôle de la réintégration des personnes dans la société.

La garde des détenues femmes est assurée dans la majorité des cas par les femmes-gardes pénitentiaires dont le nombre pour toutes les 29 prisons du pays est estimé à 228 soit 16% des effectifs de l’administration pénitentiaire.  Toutefois, La question du traitement des femmes détenues a toujours été au cœur des débats sur le respect des droits humains en général et ceux spécifiques aux femmes et celles qui ont des enfants en bas-âges. D’après les données recueillies auprès du Service de la promotion du genre de l’AP, l’effectif des entrées de ces enfants « prisonniers forcés » était estimé à 49 à la date de décembre 2021. Nul besoin de préciser que cette situation rend encore plus difficile la tâche des mères et leur rôle d’éducatrice, au regard de la surpopulation carcérale à laquelle s’ajoute la non-catégorisation des internées selon les degrés de criminalité du fait de leur nombre marginal.  Les conséquences directes sont les fréquentes tensions entre détenues et entre elles et les femmes-gardes pénitentiaires rendant plus difficile de part et d’autre les conditions de vie et de travail. En 2018 par exemple, la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou connaissait un taux d’occupation de plus de 400%. Alors quelles solutions pour le respect des droits de femmes et de leurs nourrissons ?

S’il est vrai que toute personne incarcérée, en particulier les femmes détenues ont enfreint aux lois, il n’en demeure pas moins qu’elles disposent toujours des droits qui doivent être respectés.

Au regard de sa place dans la société et de ses besoins physiologiques, la femme détenue rencontre plusieurs difficultés : stress psychologique, incompréhension entre personnels et détenues, prise en compte insuffisante des besoins spécifiques aux femmes, difficultés de prise en compte de la vulnérabilité des nourrissons vivant avec leur mère en détention.

Les femmes gardes pénitentiaires connaissent également des difficultés liées notamment à l’insuffisance de formation, à l’encadrement insuffisant dans leurs tâches quotidiennes. Il faut le rappeler, le milieu carcéral est un environnement de travail très anxiogène et les femmes gardes pénitentiaires vivent parfois des situations de stress. Toutes ces difficultés multiplient les incompréhensions entre elles et les détenues.

Pour répondre à ces problèmes et convaincu que le respect de leurs droits passe par une administration très bien formée, le PNUD BFA accompagne le ministère en charge de la justice dans la recherche de solutions innovantes par une approche transformationnelle de l’administration pénitentiaire.

L’approche d’auto-évaluation de l’Administration Pénitentiaire ou le déclic pour une meilleure prise en compte des besoins sexo-spécifiques des détenues-femmes

Le respect des droits des femmes détenues et la protection des enfants vivant avec leur mère en détention, reste une préoccupation majeure pour l’Etat et ses partenaires. Ainsi, plusieurs solutions ont été mises en œuvre : apport matériel, réponse sanitaire, apprentissage de métier…) mais le malaise reste bien présent avec des accusations de non-respect de droits de désobéissance et de maltraitance… Partant alors de divers apprentissages, le PNUD BFA et le ministère en charge de la justice ont conduit une réflexion approfondie sur comment assurer le respect des règles de détention tout en respectant les droits humains des femmes détenues et leurs nourrissons qui ne sont pas compris de la même manière aux différents niveaux de l’administration pénitentiaire (Surveillantes-supervisé-e-s). Une première réponse a consisté à délivrer diverses formations au personnel de l’administration pénitentiaire. Les évaluations desdites formations ont été édifiantes en montrant que les réalités de socialisation impactaient sur la compréhension de l’application des règles de détentions des femmes et leurs nourrissons.  D’où le changement de paradigme proposé afin d’adopter une approche transformationnelle genre basée sur un processus, auto-évaluation, qui mêle formation et travaux pratiques et doit déboucher sur un plan d’action.

Cette auto-évaluation a pour objectif d’une part, de mesurer le niveau de prise en compte du genre au sein de l’administration pénitentiaire (AP) en vue de mieux répondre aux besoins des détenues (femmes, hommes, filles et garçons), des visiteurs et des intervenants pénitentiaires et d’autre part, de renforcer son efficacité opérationnelle en encourageant la participation pleine et égale des hommes et des femmes dans l’animation des services de l’AP.

De fructueux partenariats ont été tissés dans le cadre de ce travail. Ainsi, le secrétariat Permanent du Conseil national pour la promotion du Genre et le centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité – Genève (DCAF) participent activement dans ce processus qui est toujours en cours. Ce processus est passé par plusieurs étapes et il est rendu maintenant à l’étape de la rédaction du rapport qui sera suivi par un plan d’actions triennal pour une meilleure prise en compte du genre au sein de l’AP.

Mais d’ores et déjà et à en croire 2 femmes-gardes pénitentiaires, une lueur d’espoir est née : le déclic sur la compréhension du « GENRE » non pas comme une perversion des mœurs mais comme approche de développement intégré de la femme et de l’homme où l’équité des droits entre l’homme et la femme sont respectés. Sur le plan personnel, il est clairement établi la bonne compréhension de la différence entre « GENRE » et altération de la vie sociale des femmes et filles en témoigne les dires d’une interlocutrice qui comprenait le genre comme un encouragement à la fainéantise des femmes. Une telle compréhension la rendait intolérante face à tout reportage sur le sujet « Genre » présenté à la télévision sur la question.

Cette approche d’auto-évaluation, bien que toujours en cours a l’ambition d’apporter une réponse appropriée parce qu’holistique et focus sur l’Homme. Elle questionne non seulement l’organisation institutionnelle mais aussi les individus aux respects de l’équité à tous les niveaux. Toutefois, l’arbre ne peut pas cacher la forêt. En effet, cette approche fusse-t-elle efficace ne pourrait impacter durablement la vie des femmes et leurs enfants en milieu carcéral que par la pérennisation des actions et la coordination des acteurs pour des réponses structurelles. L’espoir est certainement permis avec l’adoption très prochaine du Plan stratégique de l’AP et de son plan d’actions sensibles à la problématique du genre.